Une pomme haut perchée
Sur le plus grand pommier du verger
Déclara par une belle matinée d’été
Au soleil qui la regardait
Qu’elle ne mûrirait pas
Et de ce fait là,
En aucun cas ne servirait de repas.
Le soleil en fut consterné :
Sans nul doute il comprenait
Qu’elle ne voulait point être mangée
Mais à coup sûr les hommes diraient
Que si verte elle était
C’est parce qu’il n’avait pas assez brillé.
Il commença donc par l’implorer :
Son honneur en dépendait.
La pomme ferma ses oreilles
Non, elle ne serait pas vermeille !
Le soleil fit alors des merveilles,
Son éclat devint à nul autre pareil.
En vain, elle ne devint même pas rosée.
Le roi des astres qui était rusé
Se dit qu’à défaut d’intensité
Il fallait augmenter la durée
Il inventa donc sans regret
Les longues journées d’été
Mais plus il travaillait
Moins la pomme mûrissait
Et tout roi qu’il était
Il avait beau s’agiter, rien n’y faisait
Il se mit donc en colère
Et jura par tous les astres de l’univers
Que si son teint restait vert
Il mettrait la pomme par terre
Et elle deviendrait pomme de terre.
Pomme de terre ou pomme
C’est tout comme,
Quant on est vert nul ne nous consomme
Répondit-elle sur un ton économe.
Le soleil était au désespoir,
Il n’avait dans ses tiroirs
Plus rien que des idées noires.
Cependant, dans son cœur de géant
Se mit à pousser un étrange sentiment :
Cette petite pomme si entêtée
Décidément, il l’aimait.
Il aimait sa volonté,
Ses idées bien arrêtées,
Et le courage de celle qui les défendait.
Le soleil était amoureux
Et pour être encore plus heureux
Il voulut partager cette passion à deux
Il prit son courage à deux mains
Et sur un ton enfantin
Lui dit un beau matin
Un tout petit « je t’aime bien »
Ce fut instantané
Sans même y penser
La belle qui avait tant résisté
Devint rouge comme un baiser
Et l’enfant put enfin la croquer.

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